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UN BEURRE D’OR NOIR

L’œcumène est cul par-dessus tête je crois :
Des nappes d’or noir qui ont englouti l’azur
Tombent sur mon crâne en flocons laineux et gras
Les remords que j’avais inhumés en lieu sûr.

Dysenterie de l’âme, jus de peste au cœur…
Pauvre cervelle qui hoquète et vibrionne
Enfle comme une tique puis se ratatine
Macère dans les humeurs qui hantent mes ruines
Et se dissout enfin en un vent de torpeur.

VIRAL

Geliy Korzhev

Entends-moi aboyer dans la détonation
D’un coup de folie furieuse
Je bannis la raison des têtes les mieux faites
Pour y semer les germes d’abomination
Qui fleurissent en gerbes
En gerbes ! en gerbes !
D’éclatantes passions

Mes enfants mort-nés campent dans la chair
Qui assaille la chair, qui fait frire la chair
Taille des sourires fous de ses langues de fer
Puis s’en va couver de nouveaux œufs immondes
Légère, légère, légère
Comme un voile de peste sur les épaules flétries
Du monde

Je fais bouillir le sang des meurtriers
Quand le désir m’en vient – et ce désir demeure
Je fais éclore le feu dans l’œil du prédateur
Coule avec la sueur le long des fronts crispés
Et je jouis ! je jouis ! je jouis !
Et je meurs ! je meurs ! je meurs !
Pour ressusciter encore ! et encore ! et encore !
En riant
Quand autour de moi tout crève et tout pourrit

EXODE

A l’heure où les bordels mugwumps ferment leurs portes
Quand les contrebandiers rêvent les yeux ouverts
Un dévot du grand centipède noir s’endort
Dans une prière ardente à ses amours mortes
L’âme ruisselle de ses deux beaux yeux de verre
Et dissout les vestiges de son corps

S’arracher enfin à l’horreur de l’aurore
Fuir loin des spectres d’Interzone à bord
Du tout dernier vaisseau fantôme
Qui avec le souvenir des gloires passées
Pourrit au port

Les pleurs des hommes-crapauds hantent à jamais
Nos tristes chairs gelées
nos pauvres cœurs inertes

Révélation

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Allongé à même l’odorant parquet d’un salon inconnu, frappé d’engourdissement, sinon de paralysie, je laisse errer mon œil paresseux à travers la pièce. Entre les rideaux à demi tirés le jour ne passe que timidement. Au mur qui me fait face pend lâchement, dans son cadre à trois sous, une gravure dont je distingue mal le sujet. Peut-être une scène de chasse. Un pouf en cuir porte les stigmates d’hommages félins – je n’en ai jusqu’à présent pas vu l’auteur… Le laquage d’une table basse disparaît sous un voile cendreux ; au centre de son plateau, sur un napperon brodé, un chérubin de porcelaine. La poussière est partout, son âcre parfum l’emporte sur le baume profond du bois.
Mon immobilité forcée ne m’indispose guère pour l’instant. Je ne suis pas inquiet. D’ailleurs, je peux désormais tourner la tête dans les deux sens. Sur ma gauche, je découvre une commode, sous laquelle on a glissé de vilains bibelots d’inspiration religieuse, des restes de tissus mités, et un grand christ de bois peint, arraché à sa croix. Je cligne des yeux par jeu, d’abord l’un, puis l’autre, afin d’observer sous deux perspectives différentes la main sanglante du Dieu vivant. L’objet est de fort grossière facture et je ne peux m’empêcher de penser qu’il constitue un piètre hommage au rachat de nos péchés. La Sainte Face m’est cachée par un large morceau de velours aubergine dont je voudrais la découvrir, mais je peine encore à bouger le bras assez pour l’atteindre. Il y a du mieux pourtant, indiscutablement, et je sens que je ne tarderai guère à combler la curiosité maligne, impérieuse, qui s’impose à mes membres débiles. Bientôt, en effet, du bout de l’index et du majeur, j’effleure le tissu, sans pouvoir le saisir. Un grincement du parquet venu de l’autre bout de la pièce me distrait brièvement de mon effort, mais je ne sais en déterminer l’origine : le jour maladif a encore baissé, les meubles ont pris une forme incertaine…
La nuit tombe dans le salon inconnu, et avec elle la confusion, puis une rampante angoisse, que je m’efforce d’ignorer en m’en retournant au Fils de Dieu. Je tiens à présent la pièce de velours entre mes doigts, je l’y serre autant que m’y autorisent mes maigres forces, et, au prix d’une suprême tension, j’opère le dévoilement. La statue me regarde. Les yeux exorbités qui me fixent ne sont pas en bois, ce sont les yeux d’un être de chair et de sang, les yeux d’un homme. D’un homme qui hurle de souffrance et de terreur, que la douleur rend fou, qui offrirait sa mère à supplicier plutôt que de subir le martyre une seconde de plus. Je suis parfaitement paralysé à présent et il m’est impossible de détourner les yeux de cet ouragan de douleur – il m’est même impossible de battre des paupières.
Venu de mon flanc droit, le chat que j’ai cherché plus tôt et que je ne puis voir se couche sur mon abdomen, et lorsque je le supplie de me crever les yeux, il rit tout bas, puis ronronne, puis s’endort.

Premiers pas sur Théodore

Dans les vents cristallins de l’astre Théodore,
Sur lequel jamais ne s’est effondré le soir,
J’ai vu éclore
Et puis fleurir
Et puis faner
Pour fleurir et fleurir et refleurir encore
Cent mille roseraies de magma pourpre et noir.

Autour de moi les autres pionniers pleurent ;
On se tient par la main ; certains enfants ont peur.

Le ballet aérien des méduses d’argent
Dansant en nuée d’étincelants météores
Blesse nos rétines débiles,
Embrase paupières et cils…
Corps célestes bénis des dieux vivants et morts,
Je ne vis que pour rêver de vous à présent.

Bientôt les betteraves en fleur

 

Le Christ aux outrages

(…)
Une goutte, « ploc ! », qui tombe dans la paume gauche tournée vers le ciel. L’avait-il sentie pour de vrai ? Et si oui, était-ce la première ? Pleuvait-il depuis un moment déjà ? Ses vêtements, étaient-ils humides ? Thomas n’était pas sûr… Son corps lui semblait une réalité lointaine, plutôt vague, presque une abstraction. Sans le picotement humide qu’il pouvait éprouver encore au milieu de sa main entrouverte, peut-être aurait-il pu oublier tout doucement qu’il avait été un être de chair et de sang, et, bientôt, il serait mort sans s’en rendre compte. Mais maintenant, c’était foutu, il ne pensait plus qu’à la pluie. À la boue qu’elle ferait en se mêlant à l’humus, la boue qui bientôt s’insinuerait dans ses narines, la boue qui lui coulerait dans la gorge, la boue, la boue, la boue qui l »étoufferait, la boue qui le tuerait – car, oui, ses blessures mortelles lui laisseraient tout juste le temps de se noyer dans une flaque d’eau terreuse, c’était sûr, c’était certain, ça se passerait comme ça, comme ça et pas autrement… Au-dessus de sa tête, épouvantablement près, le tonnerre rugit si fort que Thomas crut sentir son cœur lâcher. Depuis toujours, l’orage le terrifiait, et un instant, il aurait voulu rire tant la perspective de suffoquer dans une flaque de gadoue sous ces grondements de fin du monde ressemblait à l’idée qu’il se faisait de l’enfer. Et dire qu’une minute plus tôt il s’était félicité d’accueillir la mort serein, philosophe, beau joueur ! À croire qu’il n’avait encore rien vu. Quelque part, en haut-lieu, on avait décidé qu’il ne s’en tirerait pas à si bon compte.
Lorsqu’il était enfant, Thomas courait au premier coup de tonnerre se serrer désespérément contre la poitrine osseuse d’Angèle qui fredonnait alors une chanson à l’oreille de son petit, en lui caressant les cheveux. Que chantait-elle déjà ?… Ça alors ! Comment pouvait-il ne pas se souvenir !… Enfin, l’air importait peu en ce temps-là : le soulagement qui l’envahissait presque immédiatement devait tout au contact du sein maigre, aux palpitations que le petit Thomas venait y cueillir. Qu’il lui était dévoué, cet organe usé par les chagrins, qui tressautait vaillamment encore, si mal protégé derrière les barreaux dérisoires de son étroite cage d’ivoire ! Que son inaltérable tendresse lui manquait à présent ! Et l’haleine chargée de tabac mentholé ! Et le profond parfum de rose fanée qui habitait les plis des chemisiers en soie ! « Maman ! J’ai peur ! Maman, s’il te plaît ! Maman ! MAMAN! ».
Bien sûr, crier n’aurait servi à rien : Maman n’en serait pas venue davantage étreindre la grande carcasse de son Toto, étendue dans le champ de betteraves. Pas de baiser pour le large front où avaient coagulé ensemble la terre et le sang. Fini la caresse parfumée des petits seins rabougris, serrés dans leur bel écrin de soie noire. Fini les doigts embaumés et jaunis par les Kool, passés tendrement dans les cheveux. Fini les chansons douces. Fini Angèle. Fini Maman.
De toute façon, impossible de crier : relever la tête exigeait un effort dont Thomas était incapable – et puis, quand bien même il l’eût relevée, il en serait sorti au mieux un gargouillement de foirade : le coup de talon d’un de ses assaillants lui avait brisé la mandibule. Les salauds ! Quel besoin avaient-il eu de le battre au sol après l’avoir lardé, alors même qu’il se vidait sans un murmure ? S’il s’était agi de le finir à coup sûr, pourquoi ne pas lui avoir tranché la gorge ? Ils auraient pu le planter au cœur, lui rompre la nuque à l’aide d’une pierre, d’un cric, l’étrangler avec la ceinture de l’un ou de l’autre… De telles initiatives outrepassaient la portée de leur indigente imagination, vraisemblablement. Ils avaient cogné, comme des sourds, comme des primitifs… Comme des putains de macaques. Et ils étaient partis sans s’assurer qu’il était bel et bien mort. Propres à rien, pas même à tuer un homme à quatre. Ah les cons, les pourris, les minables ! À leur place, Thomas aurait joué une toute autre musique !
Si encore il leur avait donné une bonne raison de le haïr, cette débauche de violence imbécile aurait trouvé un semblant de justification. Mais non, ils en avaient seulement après son fric. Le fric, le fric, le fric ! Ils ne désiraient que lui. Ils ne savaient que lui. Et s’ils en avaient un jour à satiété, ils se laisseraient mourir de désarroi. En y regardant de plus près, on aurait pu voir dans cette monomanie une forme d’infirmité, de débilité fondamentale dont il y aurait eu lieu de se désoler pour de bon… Le résultat d’une carence réellement pathétique… Mais là, tout de suite, Thomas n’avait pas le cœur à plaindre ses bourreaux. Outre la vilenie du crime, sa bêtise le répugnait. Cette bêtise… Leur bêtise. Une bêtise épaisse, velue et borgne, une bêtise vorace, vicieuse, à gros sabots, qui sent la bergerie et l’ail, qui pue de la gueule, une bêtise qu’on ne voit pas mieux arriver que lorsqu’elle est convaincue d’avancer à couvert… Et, pourtant, Thomas ne l’avait pas vue qui se jetait sur lui. Fallait-il qu’il soit candide pour se croire à l’abri de leurs grossières conjurations ! Oui, c’était inadmissible et pourtant incontestable : il s’était fait posséder en beauté. Et la conclusion qui s’imposait quant à ses propres facultés de discernement ne le flattait guère.
Derrière les paupières scellées du moriblond défilèrent en gros plan les quatre sales gueules tordues par la rage et l’effort conjugués, comme des diapositives, autant d’instantanés des expressions animales qui les défiguraient tandis qu’ils l’assassinaient en meute. L’énorme trogne rougeaude et luisante de Bob dégoulinait d’une sueur épaisse comme de l’huile. Quand ses naseaux cent fois recousus se dilataient pour happer un filet d’oxygène, des sifflements s’échappaient de la truffe écrasée du boxer, applatie par trente ans de pains quotidiens, et ses babines violacées se retroussaient sur des gencives toutes nues. Il grognait de plaisir. Les joues creuses de Jean-Loup, successivement marquées par la varicelle et l’acné, se gonflaient furieusement quand il frappait avec son poinçon. Une lourde consommation de psychostimulants avaient creusé dans son visage des vallons profonds, des à-pics vertigineux, et, toutes les quinze secondes environ, ces reliefs vocaniques tremblaient, soumis aux secousses sismiques de violents tics nerveux. Avec ses longs cheveux noirs et son teint olivâtre, il ressemblait à une momie aztèque, folle de rage qu’on l’ait tirée de sa sieste millénaire. Une fièvre lubrique faisait luire le regard de David, dilatant ses longs yeux noirs aux cils de femme, gluants, obscènes. De l’écume coulait de son menton en galoche, et de sa bouche, des monosyllabes libidineuses. « Oouuii !Haaaan! Ooouuii ! ».Thomas en était sûr, il n’avait pas rêvé. L’ignominieuse mise à mort de son ami devait peser à James : d’une pâleur spectrale, son visage semblait sur le point de se fissurer tant les muscles en étaient tendus, et des quatre hommes, ce fut lui qui frappa le plus fort, certainement pressé d’en finir, plantant et replantant avec acharnement la lame de son couteau papillon dans l’abdomen de Thomas. Dans son regard, on ne devinait pourtant aucun remords… Thomas se reprit : cette fois, il brodait pour de bon. Indiscutablement, James se trouvait dans d’autres dispositions que les trois autres à son égard – rien d’étonnant à ça au demeurant : ils avaient été proches l’un de l’autre, et puis, à la différence de ses comparses, James n’était pas dingue. Tuer ne lui filait pas la trique. Mais, de là à déduire que sa conscience le taraudait… C’était mal le connaître ! Enfin, quoi qu’il ait eu à l’esprit lorsqu’il le frappait, ça ne lui allait guère au teint.
Thomas se trouva nauséeux comme tournaient dans sa tête la peinture détaillée de son peloton d’exécution. La bestialité qu’exprimaient les figures, la haine ricanante, la rage fulminante, le mépris goguenard pour le condamné, la jouissance de son humiliation, de sa douleur, cette affreuse allégresse dans le regard fou de David… Toutes ces mimiques de diables, ces froncements de groin, ces dents carnassières et les deux gencives dépouillées, ces yeux ronds ou plissés, rougis et baveux ou pris en glace, composaient une galerie de grimaces sataniques, qui rappelait à celui qui allait mourir un tableau dont Julia lui avait montré une reproduction : Le Christ aux outrages de Jérôme Bosch. Que les hommes sont laids quand ils sont mauvais !

Rebonds

detroit32

 

Courir, courir, courir, courir et ne surtout pas se retourner. Courir, au risque que le cœur implose, courir jusqu’à son dernier souffle, courir à en tomber raide mort, mais, surtout, surtout, surtout, surtout ne pas se retourner. « On va t’avoir, fils de pute! » « Sale pédé! ». Courir encore, courir toujours, prendre cette ruelle à gauche – il y a un type couché par terre, on dirait qu’il est mort -, ne surtout pas se retourner. Escalader la grille, tomber à la renverse de l’autre côté – douleur foudroyante au coude, sûrement cassé ; on ne s’arrête pas. Arrivé au coin de la vieille usine à papier du boulevard Bernard-Henri Lévy, Steeve manqua de chuter à nouveau, cette fois en glissant dans une flaque de diarrhée encore tiède ; l’espace d’un instant, l’adolescent eut si mal à ses tennis blancs flambants neufs qu’il en oublia son coude blessé. « Il est là-bas! Bouge pas, salope! » Courir! Courir! Courir!
Steeve connaissait bien ce coin sinistré de la ville : enfant, il y avait passé des jours entiers avec ses frères, tout au long des vacances d’été, alors que leur mère travaillait au salon de coiffure et que leur tante Fatou ne pouvait pas les garder, partie on ne savait trop où avec l’un ou les autre de ses jules.
Au bout de la ruelle, il y avait une allée pavée, à droite, et dans celle-là un petit immeuble lépreux pourvu d’un soupiral défoncé par lequel il pourrait se faufiler. Il l’avait déjà fait, et même gardé à l’esprit une cartographie assez précise des sous-sols de ce bloc qui communiquaient entre eux grâce à une collection de béances percées dans le béton des murs. Là-dessous, il pourrait se cacher, souffler à nouveau, pleurer d’épouvante et geindre de douleur en paix… Mais pour gagner ce havre, il fallait atteindre en vie le soupirail.
« Il est là, l’enculé! » Les trois voyous ne tarderaient plus à le rattraper. Eux étaient passés par-dessus le grillage sans aucune difficulté, habitués qu’ils devaient être aux courses-poursuites avec les forces de l’ordre, et sans doute également à la traque d’homosexuels sortis du nightclub « Le Fairies’» au petit jour.
Ce n’était plus du sang qui parcourait les veines de Steeve, mais du plomb fondu ; l’air qui s’insinuait dans ses narines et coulait dans sa gorge en feu le brûlait atrocement, comme les émanations du gel au poivre dont lui avait un jour aspergé la figure son frère Wesley – « rien qu’une expérience », avait osé pleurnicher ce dernier en protégeant son visage des gifles de leur mère alertée par les hurlements de Steeve, le benjamin, le chouchou. Une expérience! Le salaud!
Courir… Encore courir… Courir juste un petit peu, un tout petit peu, quelques mètres seulement – ça y est, le voilà, le béni soupirail! Enfin le providentiel portail, grand ouvert sur un deuxième souffle! Steeve plongea la tête la première et disparut dans l’obscurité humide du sous-sol tandis que ses assaillants pénétraient dans l’allée. Ils ne l’avaient pas vu.

Un monceau de cartons et vieux journaux imbibés d’eau de pluie et d’urine amortit la chute du gamin qui s’empressa de ramper jusqu’au coin opposé de la pièce où il put doucement reprendre haleine, emmitouflé dans la pénombre moite et rance. Les voyous avaient poursuivi leur course sans un regard pour les entrailles de béton au creux desquelles il était allé se nicher ; s’il restait en place sans faire de bruit, il serait sauvé.
Sa fuite éperdue avait vampirisé les forces du jeune et joli Steeve – celles qu’avaient bien voulu laisser derrière elle cette nouvelle nuit consumée au « Fairies’ » – et voilà qu’il bâillait à tout rompre, recroquevillé dos au mur galeux du sous-sol. Il tombait de sommeil, et, bientôt, malgré la douleur, engourdi par l’haleine de la pénombre amie, les oreilles pleines de silence tiède, Steeve dormait à poings fermés.

Borde-moi

pauvre nounours

Elle est entrée dans ma vie par une porte dérobée, un soir d’ivresse, une nuit d’hiver, alors qu’au troquet je me donnais en spectacle, saoul comme un cochon, heureux comme un pape.

Qu’a-t-elle trouvé alléchant chez l’homme bâclé, éclusant en damné, le cheveux en bataille et le pourpre aux joues? Qu’a-t-il lu au creux de mon oeil vitreux, le papillon de nuit blanche? Quelle espèce d’invitation au désastre? Quelle promesse vénéneuse? Le mystère demeure entier, et, bien entendu, il sera résolu au prix fort : le diable se rit des curieux. Laissons donc glisser le temps, et sa lourde traîne de chaos ; je lirai le traître passé, puis l’avenir frelaté dans ses froufrous de velour noir.

Cette perle à ton oreille et ta main entre mes cuisses, sur ma queue triste d’ours amer… L’empire de malice qui triomphe à tes commissures, tes fringales de vice… Tu pétilles, tu crépites et tu brûles même parfois, tu irradies, et moi, je m’endors sous un tapis de cendres. Borde-moi.